«Pourquoi j'ai des difficultés à m’endormir ?»
L'insomnie d'endormissement est le premier type d’insomnie. On est fatigué de la journée, et malgré cela il est difficile de s’endormir.
On rumine des pensées négatives au lit, on cherche des solutions pour s’endormir ou s’occuper (lecture, télé, smartphone,…). Quelquefois le fait d’aller au lit devient une angoisse, car l’on sait que le calvaire va recommencer.
Ce problème est de plus en plus fréquent, heureusement la médecine commence à comprendre de mieux en mieux ce qui se passe.
Les 3 principaux facteurs influençant la survenue du sommeil sont :
- Notre environnement
- Des perturbations physiologiques
- Des désordres psychologiques
Difficultés à dormir malgré la fatigue : les causes
1. Notre environnement
L’entrée dans le sommeil est une mécanique très élaborée, de haute précision. Mieux connaître son fonctionnement nous permet aujourd’hui d’indiquer précisément quels sont les phénomènes externes qui peuvent le perturber.
Etudiez bien les éléments dans la liste ci-dessous, si vous en reconnaissez un, soyez sûr que l’améliorer vous aidera peut-être plus que vous ne le croyez à rendre votre endormissement plus facile !
- La qualité de la literie
- La lumière, et plus particulièrement la lumière bleue des écrans, qui empêche la sécrétion de mélatonine !!! (Télé, et surtout tablettes et smartphones)
- Le silence (même le bruit le plus fin est gênant pour un sommeil de qualité) - La température de la pièce (18 °C idéalement)
- L’humidité de la pièce (trop sec, l’air peut irriter vos voies respiratoires)
- L’alimentation (pas trop de viande le soir, pas plus d’un verre d’alcool)
- Les excitants (pas de café après 15 heures !)
- Le sport (pas d’activité intense après 19H00) Comme vous le voyez, la liste est longue des perturbateurs du sommeil, vous en reconnaissez ?
2. Les perturbations physiologiques
La mélatonine
L’endormissement est, comme nous le disions plus haut, une mécanique d’une grande précision, et d’une grande efficacité. Elle peut ainsi, sans que l’on ait besoin d’effectuer un effort particulier, se reproduire invariablement tous les jours de notre vie.
Son secret ? Une horloge interne, située au centre notre cerveau, près des centres de l’endormissement. On l’appelle le « noyau suprachiasmatique ».
Derrière ce joli nom se cachent pas plus de 10 000 neurones, qui jouent un rôle essentiel : caler toute notre vie selon un rythme jour-nuit. C’est grâce à cette horloge que nous nous éveillons tous les jours le matin, et que nous nous endormons le soir, comme tous les animaux diurnes.
Pour cela, elle dispose d’un agent : la mélatonine. Sous les ordres de notre horloge interne, cette hormone est diffusée dans notre sang et notre cerveau, selon les moments de la journée.
Au matin, pas de sécrétion : le corps s’éveille Peu après midi, pic de sécrétion, qui nous invite à la sieste En fin d’après-midi, forte baisse de sécrétion, qui nous permet de redevenir vigiles
En début de nuit, montée progressive et importante de sécrétion, jusqu’à 1heure du matin environ : elle permet de nous endormir, et de nous maintenir endormi toute la nuit.
Et le même cycle recommence le lendemain, invariablement. Cette mécanique très solide et très régulière a pour nom le rythme circadien.
Mécanique très régulière,… pas tout à fait quand même. En effet, elle n’est malheureusement pas tout à fait calée sur 24H, mais selon les individus, de 23H30 à 24H30, le plus souvent 24H15 environ.
On observe cela très clairement lors d’expériences dans le noir pendant plusieurs semaines : si le sommeil reste très régulier, les journées sont plus longues, et les agendas se décalent dans des proportions étonnantes.
Pourquoi dans le noir ? Et bien parce que nous disposons d’un régulateur externe extraordinaire : La lumière du jour ! En effet, grâce à des cellules placées dans la rétine, qui ne servent pas à voir, mais qui sont en relation directe avec le nœud suprachiasmatique, la lumière a pour vertu de synchroniser tous les jours notre horloge interne sur 24H pile.
Magique ! Seulement chez certains d’entre nous, cela se dérègle, on appelle cela le retard de phase.
Fréquent, il représente environ 10 % des insomnies. Des dérèglements de notre horloge interne en sont la cause. Mais grâce aux progrès de la médecine, il est aujourd’hui possible de faciliter l’endormissement grâce à la lumière.
Il est prouvé qu'une exposition matinale à une source lumineuse suffisamment intense est de nature :
- A faciliter l'endormissement le soir
- Mais aussi à procurer un effet bénéfique sur le moral (on appelle cela la régulation de l'humeur) C'est le principe même d'une gamme de traitement appelé la luminothérapie.
Voilà pourquoi il est bon de s’exposer à une lumière à ondes courtes le matin (soleil, ou lampe), pour être tonique, mais surtout pour raccourcir la phase d’éveil, et permettre un endormissement plus rapide ! Nous en reparlerons dans la section luminothérapie.
Bon à savoir : Il existe d'autres régulateurs externes de notre ryhtme circadien. Nous savons aujourd'hui que l'alimentation, l'activité physique, les interactions sociales jouent également un rôle dans la régularité de nos périodes de veille et de sommeil.
En revanche, si l’on s’expose à une source lumineuse à ondes courtes le soir, une lumière froide en particulier, on favorise l’éveil (en s'opposant à l'action de la mélatonine). Et ainsi on a plus de mal à s’endormir. Bannissez smartphones, tablettes, éclairages blancs, pour privilégier une petite ampoule jaune de faible intensité SVP !
Focus sur l’endormissement au cours de la vie :
Durant notre vie, notre heure d’endormissement varie beaucoup.
Ainsi, enfant, l’endormissement survient très tôt, pour permettre un sommeil suffisamment long ( à 6 ans, on doit encore dormir au moins 10 heures par nuit).
A l’adolescence, tout change. Bien qu’il soit indispensable pour la croissance et le développement cérébral de garder un sommeil de qualité, au moins 8 à 9 heures par nuit, on constate un bouleversement hormonal qui touche également notre horloge interne. Ainsi, la sécrétion de mélatonine survient plus tard, physiologiquement. Ne blâmez donc pas vos ados qui ne veulent plus s’endormir à 10H comme avant, c’est normal !
Le problème vient plutôt des horaires sociaux, pour aller à l’école en particulier, qui ne correspondent pas du tout à l’évolution naturelle de nos ados. Leur temps de sommeil se raccourcit donc, et après on s’étonne de les voir tout le temps fatigués et de mauvaise humeur ! Plus sérieusement, des études américaines ont montré le lien entre recul du début des cours, à 9h00, et amélioration des résultats scolaires, et même diminution de la mortalité, grâce à la réduction des accidents sur le trajet domicile-collège. A méditer très sérieusement selon nous.
A l’âge adulte, le volcan hormonal se calme, le sommeil devient plus régulier, avec un endormissement vers 23H00 à minuit, pour 7 à 8 heures de sommeil.
Plus âgé, on voit inexorablement l’heure d’endormissement avancer, peut-être par un vieillissement progressif de notre horloge interne. Le plus important est de garder un sommeil assez long pour garder une bonne santé le plus longtemps possible…
En synthèse, la lumière peut être une amie, ou une ennemie !
Apprenez à l'apprivoiser... Evitez ainsi tout ce qui peut perturber le cycle de la mélatonine, cherchez au contraire à le renforcer en vous exposant à la lumière le matin, et fuyez toute lumière blanche ou bleue le soir…
L’adénosine
Cette molécule est l’agent de la deuxième grande force qui régule notre sommeil : La pression de sommeil. Le principe est très simple, et vous l’avez tous expérimenté : plus on veille, plus on est fatigué, et plus on a envie de dormir.
Et la progression est linéaire.
Après une bonne nuit, la pression est à « 0 ». Plus on avance dans la journée, plus elle monte. Et si elle est assez haute, elle devient si forte que l’on s’endort inexorablement.
N’avez-vous jamais essayé, vers 20 ans, et même plus tôt pour certains, de veiller 1, 2, voire 3 nuits ? J’avoue, moi aussi. Et bien je n’y suis jamais arrivé au-delà de 1… Ma pression de sommeil est passée par là ! Et elle est irrépressible ! Certains très forts tiennent 2 à 3 nuits, au-delà c’est rigoureusement impossible… ou alors ça devient pathologique !
Nous l’avons vu, l’agent de la pression de sommeil, c’est l’adénosine, une molécule qui « baigne » le cerveau, avec des taux de plus en plus élevés à mesure que l’on est en veille, et qui fait « basculer » notre cerveau de la veille vers sommeil.
Seulement voilà. Des agents externes peuvent casser cette belle mécanique. Et notamment un ennemi sournois : la caféine. En effet, la molécule de caféine ressemble à s’y méprendre à l’adénosine. Elle se fixe à sa place sur les récepteurs des neurones responsables du sommeil, et l’empêche de faire son travail. Voilà pourquoi le café maintient en éveil. (Ainsi que la théine dans une moindre mesure)
Et ce n’est pas tout ! Pendant que l’on reste éveillé sous l’effet du café, le taux d’adénosine continue à monter progressivement, pour finir par atteindre des taux très importants, le temps que le café s’élimine progressivement. Une fois le café éliminé, notre cerveau subit une véritable avalanche d’adénosine, et plonge rapidement dans un sommeil incontrôlable. Le grand danger, c’est sur la route.
Chaque année des centaines d’accidents mortels se produisent à cause de cela. Alors prudence !
Plutôt qu’une pause-café pour « tenir », privilégiez une petite sieste réparatrice qui va faire chuter votre taux d’adénosine ! Compris ?
L’activité Sympathique et l’activité Parasympathique
Ce sont les 2 grands régulateurs de notre métabolisme, le « Ying » et le « Yang » de notre corps.
L’activité sympathique accélère notre fréquence cardiaque, notre respiration, notre activité cérébrale, afin de pouvoir réagir vite, et bien.
Cela semblerait venir de notre constitution même, comme un héritage de nos lointains ancêtres : sous l’effet d’une menace extérieure, nos sens sont mis aux aguets pour réagir rapidement, lutter ou fuir.
Que se passe-t-il concrètement ? Les hormones « sympathiques » (adrénaline, et noradrénaline dans le cerveau) sont sécrétées avec intensité pour nous maintenir dans un état de « veille intense », afin d’être capable de réagir rapidement et correctement.
Si cela est très utile sur l’instant, en revanche une activité sympathique soutenue et trop constante devient une menace pour notre sommeil. Et c’est ce qui finit par nous arriver, à force de stress intenses et répétés.
La solution ? Essayez de calmer l’activité sympathique, et de solliciter plutôt l’activité parasympathique, qui est son opposée. Sous l’effet d’un neurotransmetteur appelé l’acétylcholine, elle va contribuer à diminuer la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la température corporelle, et permettre l’endormissement.
Focus sur les maladies :
Certaines maladies perturbent l’endormissement.
Ainsi l’hyperthyroïdie, à l’occasion de laquelle l’activité sympathique est particulièrement stimulée.
Les apnées du sommeil favorisent également une stimulation importante du système sympathique, induisant micro-éveils, hausse de la tension artérielle nocturne, envies d'aller au toilettes la nuit,...
Focus sur les médicaments :
Certains médicaments sont prescrits à bon escient pour traiter une pathologie, mais peuvent contribuer à stimuler l’activité sympathique. L’endormissement est alors particulièrement difficile. Il n’est bien sûr pas question de les arrêter, mais suivez bien les recommandations de votre médecin. Ainsi, les corticoïdes, c’est le matin !
Des traitements anxiolytiques et antidépresseurs peuvent également avoir un rôle péjoratif sur l’endormissement. Enfin certains traitements somnifères peuvent être responsables, à terme, d’un « rebond d’insomnie ». Dans tous les cas, avant tout, parlez-en avec votre médecin.
Au passage, il en est de même pour la plupart des drogues…
3. Les désordres psychologiques
Sans que l’on s’en rende compte, le stress peut finir par enrayer la belle mécanique du sommeil. En effet, les mécanismes sous-tendus par l’anxiété sont les mêmes que ceux de l’éveil. On arrive plus à « débrancher ».
Il en est ainsi de « petits » stress accumulés au long des semaines et des mois, ou alors d’un évènement particulièrement stressant (un drame familial, une difficulté professionnelle importante,…).
Et une boucle infernale peut s’enclencher, avec des nuits de mauvaise qualité, qui ne nous permettent pas de faire face la journée, avec un stress qui augmente encore, et une nuit compliquée derrière,…
Ceci crée un tableau d'anxiété anticipatoire relativement néfaste à l'endormissement.
Il existe de plus un lien bidirectionnel entre le sommeil et les troubles psychiatriques (syndrome dépressif en premier lieu), où l'on constate très fréquemment une fragmentation du sommeil associé à des insomnies de pleine nuit.
Retenez qu'un sommeil de bonne qualité est souvent le reflet d'un certain équilibre psychique, et inversement !
Focus sur les habitudes du sommeil :
Pour être régulier et de qualité, l’endormissement a besoin qu’on prenne « soin de lui ». Ainsi, rien de pire que de modifier les conditions d’endormissement et d’éveil en permanence – horaires, lieux,… Répétés régulièrement, ces écarts peuvent être responsables de difficultés importantes d’endormissement.
Idem avec la notion de conditionnement. A penser qu’il y a des choses plus intéressantes à faire que dormir, on néglige les signes du sommeil (bâillements, baisse de concentration, frottement des yeux,…), on maintient ses activités, et on envoie un message d’éveil au cerveau, qui s’adapte. Rien d’étonnant ensuite que l’on ne parvienne plus à s’endormir.
Pensez donc bien à vous écouter, à respecter votre corps, et à passer à des activités relaxantes, propices à l’endormissement, lorsque les signes apparaissent… (parmi les activités relaxantes, nous nous sommes laissés dire que l’activité sexuelle est particulièrement efficace,... ou alors une bonne tisane ;-)
Mise à jour le 29/01/2021
Validation médicale :
Dr Jean-François VISSEAUX
Médecin psychiatre, spécialiste du sommeil